#35 — For All Mankind
#35
Dans ce numéro :
→ For All Mankind, une uchronie inclusive
→ Teaser de la série
→ En bref
Depuis la fin de Battlestar Galactica, je garde un oeil sur le créateur de la série, Ronald D. Moore. Aussi lorsque Apple a lancé sa chaîne de VOD, je fus agréablement surprise de voir que parmi les trois premières séries proposées par ce nouvel acteur, figurait For All Mankind, sa nouvelle création.
Si science-fiction peut rimer avec un nom, celui de Ronald D. Moore serait certainement prononcé en premier. Avant de signer la plus grande série de SF de tous les temps, il avait fait ses dents sur Star Trek, The Next Generation, puis sur Deep Space Nine, en signant la réalisation de nombreux épisodes de la saga et en étant à la production de toutes les saisons. Fort de ce pedigree, il proposa le reboot de la série Battlestar Galactica, vieille série de la fin des années 70, qui avait bénéficié de l'appel d'air lancé par le succès de Star Wars, pour proposer un regard bien militaro-centré sur les Etats-Unis. Le reboot ouvrira d'autres portes et d'autres questionnements à la fois sur la condition de l'homme et de la femme (car BSG est avant tout une série féministe), sur la place de la religion et de son corollaire la foi, sur la place de la technologie et enfin sur le sens de la quête.
Depuis Star Trek, série inclusive, du moins les deux citées au dessus, Ronald D. Moore a continué sur cette voie. Il y eut le prequel de BSG avec Caprica, puis Helix et surtout la toujours très belle série Outlander... et depuis fin 2019, For All Mankind, peut-être à ce jour la meilleure série proposée par AppleTV et dont la saison 2 vient de commencer.
Bonne lecture !
-- Dominique
For All Mankind, Saison 2, 2021
For All Mankind, une uchronie inclusive
L'actrice Wrenn Schmidt ne connaissait pas grand chose aux vols spatiaux lorsqu'elle obtint son rôle dans For All Mankind, dans laquelle la course à l'espace de la guerre froide n'a jamais pris fin. Mais avec l'aide d'anciens astronautes et directeurs de vol de la NASA, Wrenn Schmidt a suivi le cours accéléré de science des fusées dont elle avait besoin pour interpréter Margo Madison, une brillante ingénieure qui gravit un par un les échelons du contrôle de mission, durant le programme Apollon.
Lors la saison 2, qui passe du milieu des années 70 à 1983, Madison n'est plus une simple mathématicienne comme les autres. Elle est la directrice du Centre spatial Johnson de la NASA, qui supervise de nombreuses missions en orbite basse terrestre et sur la Lune.
C'est un changement radical par rapport à la véritable histoire du programme spatial, dans lequel les femmes jouaient des rôles essentiels, mais ont surtout été invisibilisées, en tant que programmeuses et secrétaires dans les années 60, 70 et 80. La NASA n'a envoyé la première femme américaine dans l'espace qu'en 1983, et elle a nommé sa première directrice de vol qu'en 2018. Pour Schmidt et les autres actrices, ce fut donc un magnifique défi passionnant que de réimaginer ce premier chapitre de l'histoire de l'espace d'une manière plus inclusive.
For All Mankind est une histoire qui commence de façon similaire à la véritable histoire des vols spatiaux, entre les États-Unis et l'URSS qui se sont battus pour envoyer la première personne sur la Lune. Mais les choses commencent à prendre une tournure radicalement différente lorsque l'Union Soviétique remporte la course à l'espace, en envoyant le premier homme sur la Lune en 1969, quelques semaines avant la date prévue par les Américains, suivi peu après par la première femme. C'est un énorme embarras pour le gouvernement américain, et cela oblige la NASA à accélérer et à modifier son programme spatial afin que l'Amérique puisse surpasser les l'URSS. Peu de temps après que la cosmonaute soviétique Anastasia Belikova ait posé le pied sur la surface lunaire, la NASA décide de former toute une classe d'astronautes féminines.
Poole, qui représente les nombreuses femmes noires employées par la NASA comme programmeuses dans les années 1960 et 1970, fait partie de cette première classe, avec Ellen Wilson (Jodi Balfour), Molly Cobb (Sonya Walger) et Tracy Stevens (Sarah Jones). Ces femmes commanderont ensuite des missions et joueront un rôle essentiel dans l'établissement d'une présence humaine permanente dans l'espace. Poole et Cobb seront parmi les premières astronautes à vivre à l'intérieur de Jamestown, première base lunaire américaine, au début des années 70.
La série montre que ces femmes deviennent de vraies leaders au sein de leurs équipes respectives et tout le long, on mesure les effets bénéfiques que cela a sur la société américaine dans son ensemble. Pour autant, cela ne veut pas dire que les femmes ont la vie facile. Durant toute la saison 1, elles font face à la misogynie et au racisme et doivent s'employer à être toujours plus performantes et plus efficaces que les hommes.
Dans la saison 1, on devine que Poole n'ose pas dépasser les limites tacites de la race et du sexe, cette barrière sociétale l'empêche de demander plus de missions et de responsabilités alors qu'elle les a méritées. Mais nous voyons le personnage commencer à s'exprimer davantage dans la saison 2, en prenant à partie le chef des astronautes de la NASA, Ed Baldwin, dans ce premier épisode où elle ne réussit pas à placer un astronaute noir aux commandes d'une mission, après plus d'une décennie de missions spatiales régulières avec équipage.
Nous la voyons se battre bec et ongles et rappeler à Baldwin une condition : "tu sais, monter à l'arrière du bus ne suffit pas". Il ne suffit pas d'être heureux d'être dans le bus. Je veux conduire. Je veux plus".
Un autre personnage est confronté à un autre tabou : comment concilier son homosexualité avec ses ambitions de carrière. Comme Sally Ride, la première femme américaine dans l'espace qui a gardé son identité lesbienne secrète jusqu'à sa mort, Ellen Wilson craint que son coming out ne ruine sa carrière. Cette crainte est très bien validée dans la saison 1, lorsqu'elle devient le centre d'une enquête du FBI avec Larry Wilson, un ingénieur gay de la NASA. Les deux finissent par se marier pour écarter les soupçons sur leur sexualité.
La première saison de For All Mankind est surtout une véritable loupe sur l'histoire du programme spatial et de la misogynie structurelle qui l'a imprégnée. Avec quelques coups d'oeil bien appuyés à la véritable histoire, et notamment sur le groupe de femmes pilotes Mercury 13, formées pour devenir astronautes, For All Mankind a le mérite de souligner qu'en 2021, la fiction n'a hélas pas encore rattrapé la réalité : la NASA n'a toujours pas envoyé une femme ou une personne de couleur sur la Lune, même si elle le souhaite le faire avec le programme Artemis en 2024. Très peu de missions ont été commandées par des astronautes noirs, tandis que les personnes LGBTQ restent une minorité sous-représentée.
Alors regardons For All Mankind et espérons que la série ouvre à certains les yeux sur la nécessité d'être plus inclusif.
Teaser de la série For All Mankind
Teaser de la saison 2 de For All Mankind
En bref
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