#12 Le tic-tac numérique de l'horloge climatique
#12
Dans ce numéro :
→ En-ROADS, scénariser les impacts du réchauffement climatique en ligne
→ Ces apps qui révèlent combien utiliser internet ou son mobile est mauvais pour le climat
→ La covid-19 et son empreinte numérique
→ En bref
Avec ce nouveau design de Futuromium, il est temps de faire un premier bilan, après trois mois de diffusion. Je remercie chaudement les 420 personnes qui se sont abonnées à cette newsletter. Au départ, je ne pensais pas qu'elle rencontrerait un tel succès d'estime avec un angle éditorial aussi spécifique. Depuis trois mois, je tente de nourrir (en partie) votre curiosité avec des thèmes différents chaque semaine et un regard critique. Aussi, si vous l'appréciez, n'hésitez pas à en parler autour de vous, un petit coup de pouce est toujours appréciable.
Elle va aussi évoluer dans les semaines à venir, avec la mise en place de sa version anglaise et d'une version payante, sous forme d'abonnement. Les personnes souscrivant à la version payante de Futuromium auront le droit à des analyses plus approfondies sur des sujets abordés dans la version gratuite, une fois par mois. Il me reste à lui trouver un petit nom.
Bonne lecture !
-- Dominique
Duncan Jones, le réalisateur de Moon et de Secret Code, se lance dans la réalisation d'un roman graphique intitulé MADI : Once Upon A Time In The Future. Le projet est sur Kickstarter.
En-ROADS, scénariser les impacts du réchauffement climatique en ligne
L'une des découvertes de la semaine est ce simulateur en ligne, En-ROADS, qui permet de scénariser les impacts du réchauffement climatique d'ici à 2100, en manipulant plusieurs paramètres. Le scénario de départ est que si on reste sur le statu quo actuel (énergie, transport, déforestation, exploitation des énergies fossiles, démographie, croissance économique, etc.), la température augmentera de 4,1° C d'ici l'an 2100 (cf graphique ci-dessous) :
Cet outil, conçu conjointement par le MIT et son think-tank climatique, Climate Interactive, permet de modéliser divers scénarios, grâce à un ensemble de paramètres et d'outils graphiques. Ainsi, il est intéressant de voir que si, par exemple, on arrêtait la déforestation et commençait à replanter des arbres, la température continuerait à augmenter de 3,9° C... Qu'à cela ne tienne, vous changez le graphique de gauche pour connaître quelles sont le volume des émissions de gaz à effet de serre émises par l'exploitation des matières premières, le charbon arrive bien en tête. Son arrêt s'impose donc et la température baisse... de 0,03° C... Autant dire une paille.
L'intérêt de cet outil est multiple. Il démontre, dans un premier temps, qu'il est difficile de nier la dimension systémique de l'impact que l'homme a sur l'environnement. Influer sur quelques paramètres ne suffit pas. Il y a vingt ans peut-être que ça aurait suffit, et encore. Nous sommes arrivés à un point de rupture qui fait que si nous voulons sauver la planète et ses habitants, des mesures radicales doivent être prises. Dans un deuxième temps, pour ceux et celles qui tentent de se projeter dans l'avenir, c'est un formidable outil d'aide à la prospective, qui rend possible les conditions de création d'une base référentielle. Et enfin, pour les designers, il donne un cadre et des bases de réflexion pour concevoir les produits et services de demain.
Ces apps qui révèlent combien utiliser internet ou son mobile est mauvais pour le climat
Vous faîtes partie des 44% de Français.e.s qui ont conscience de l'impact du numérique sur le changement climatique et avez décidé de suivre ça de près, en cherchant, paradoxalement, des applications pour en mesurer l'impact. Que ce soit sur mobile ou sur desktop, il existe en effet une myriade d'extensions, de sites en ligne ou d'apps qui mesurent l'impact de votre usage du numérique sur la planète.
Certains sites en ligne vous informent généralement de l'impact carbone de votre site web, c'est le cas du populaire Websitecarbon, qui vous indique l'émission de CO2 à chaque fois qu'un.e internaute visite votre site ainsi que d'autres petites choses amusantes. J'ai fait le test pour le site d'EDF et les résultats sont... mauvais. Même test pour le site de notre gouvernement, qui est dans une bonne moyenne, sans être pour autant exemplaire. Et que révèle Websitecarbon pour les entreprises qui font des rapports RSE long comme le bras ? Tiens, au hasard, voyons comment se comporte le site d'Orange ? Eh bien, à l'instar du gouvernement français, il est dans une moyenne acceptable. Ces deux derniers sites ont encore de la marge pour réduire leur empreinte carbone, quand le site d'EDF doit être complètement repensé pour s'approcher d'un bilan carbone acceptable.
Sur mobile, les apps ne sont pas légion pour suivre les mêmes objectifs. The Shift Project a néanmoins conçu avec l'aide d'Orange Labs l'équivalent de son extension pour navigateur Carbonalyser, l'application Mobile Carbonalyser. En calculant la quantité de données qui transitent via le navigateur ou le mobile, ces deux programmes vous informent sur la consommation électrique et l'émission de gaz à effet de serre liées à votre navigation.
Il en existe d'autres comme Neutral, qui calcule l'empreinte carbone de vos achats en ligne ou encore Trip To Carbon, qui, comme son nom l'indique, s'applique à vos déplacements.
Tous ces outils devraient nous servir à réguler nos usages du numérique et au mieux, en tant que designers, à nous aider à concevoir des parcours clients ou de navigation plus sobres. J'aurais été, pour ma part, curieuse de savoir, durant le confinement, ce qu'auraient montré ces données.
La covid-19 et son empreinte numérique
Depuis le début du confinement, le recours au numérique est devenu central dans nos vies. On ne compte plus les recours à la visio-conférence pour continuer à travailler en équipe ou à communiquer avec ses clients, pour chatter avec ses ami.e.s ou faire un apéro-skype. Selon certaines études, la navigation sur le web a augmenté de 70% et l'engagement sur les réseaux sociaux de 61%. Ne parlons pas de Netflix et des autres services en ligne de VOD qui ont vu leurs téléchargements bondir de près de 60%, comme en Italie, par exemple.
S'il y a donc bien une chose que ces dernières semaines ont démontrée, c'est bien la manière dont les outils numériques démultiplient notre capacité d'adaptation, en temps de crise. Sans la flexibilité d'organisation qu'ils permettent, nos vies confinées auraient été bien mornes et l'économie plus mal encore.
Parallèlement, une petite musique lancinante a commencé à se jouer sur le monde d'après et notre rapport à l'environnement : la faune sauvage qui reprend ses droits, un air plus pur, une pollution sonore moindre, etc., c'est quand même bien mieux. Ces deux mois de confinement nous confrontent donc à un nouvelle injonction, bien paradoxale : et si nous télétravaillions sous les arbres ?
Une étude du cabinet Sia Partners, citée par Les Echos, avait ainsi évalué que si la période de confinement devait durer quarante-cinq jours en Europe, elle permettrait de réduire de 5 % le volume des émissions annuelles. Si les épisodes pandémiques devaient se reproduire chaque année jusqu'en 2030, il est fort probable que nous réussissions à atteindre l'objectif de limiter à 2°C le réchauffement climatique.
Dans le monde d'après, on imagine donc bien rester chez soi, sous un arbre, avec son ordinateur portable et son smartphone près de soi et de se reconnecter ainsi à la nature. Certains secteurs économiques en feront les frais, comme le transport aérien ou l'industrie automobile, mais qu'importe, notre survie en dépend après tout.
Vraiment ? Passons sur les drames sociaux que ça va inévitablement entraîner, c'est oublier un peu trop rapidement le rapport édité par The Shift Project, Pour une sobriété numérique, en octobre 2018, 18 mois donc auparavant qui demandait de modifier drastiquement notre usage du numérique pour le rendre plus compatible avec la transition écologique et maîtriser notre consommation énergétique. Depuis 2013, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales en 2018 (soit deux fois celles du transport aérien).
Nous sommes donc confrontés à un dilemme, dont la résolution demeure aujourd'hui incertaine. Le numérique n'est pas un monde parallèle, déconnecté des réalités. Il est peut-être temps de le replacer dans le bon écosystème, sur une échelle de temps et d'espace adaptée à nos réels besoins, et d'élargir les visions stratégiques de ses acteurs. Ça commence par redéfinir ces fameuses chaînes de valeur : arrêter l'obsolescence programmée, rendre réparable, recycler les composants, diminuer les usages sans les interdire, etc.
En bref
→ L'automatisation des petites commerces pourrait leur éviter la faillite, en temps de confinement. Etes-vous prêt.e.s à vous faire coiffer par un robot ?
→ Les hackers n'ont pas attendu les apps de traçage numérique pour tirer profit de la pandémie.
→ Comment le Japon a réussi à vaincre le virus sans confinement, sans app de contact tracing et sans avoir testé massivement ses habitants ?
→ Un guide pour évaluer les scénarios proposés par les futurologues