#2 — Vers un avenir solarpunk ? 🌞
EN RÉSUMÉ
Dans l'actuel environnement bien anxiogène, le mouvement solarpunk qui envisage l'avenir de manière optimiste à la lumière des préoccupations environnementales actuelles, du racisme, du sexisme et des inégalités sociales pourrait paraître, aux yeux des néophytes, un brin décalé, voire d'être considéré comme un peu trop bisounours. Comprendre ce mouvement et ses aboutissants, c'est aussi plonger de plein pieds dans le fameux tech for good.
Qu'est-ce-que le mouvement solarpunk ?
Comme définit ci-dessus, le mouvement solarpunk encourage une vision optimiste de l'avenir, à la lumière des préoccupations environnementales actuelles. Il embrasse plusieurs aspects et s'appuie principalement sur la littérature, l'art, la mode, les jeux, l'architecture et la musique pour la diffuser. Le solarpunk se construit autour de deux axes forts : les énergies renouvelables et la technologie.
Ce mouvement est une réaction vivante au pessimisme ambiant, aux récits post-apocalyptiques qui se sont peu à peu invités dans nos imaginaires jusqu'à les vampiriser en partie. Le solarpunk pourrait être une réaction épidermique au sort funeste qui attend l'humanité.
A l'instar du mouvement steampunk, qui imagine des sociétés où la vapeur est la principale source d'énergie, le solarpunk rêve de produire la même esthétique visuelle forte qui s'est imposée au fil des années. Pour autant, il doit batailler contre un autre puissant mouvement, le cyberpunk, qui, lui, a imposé au début des années 80 une contre-culture exacerbant par une vision cynique les conséquences déjà visibles sur l'environnement des récits cybernétiques. L'avènement du capitalisme de surveillance et des méga-corporations, style GAFAM, ont aussi contribué à cet imaginaire. Entre transhumanisme et désastres environnementaux, une autre forme de récit est-elle alors encore envisageable ?
La façon dont on aborde aussi l'avenir est un choix politique, voire économique et sociale. Ces trois visions "punks" n'y échappent pas. Deux d'entre elles, dénoncent un état de faits, et proposent par une esthétique forte, des alternatives fictionnelles. Ce n'est pas le cas du solarpunk qui ne veut pas se cantonner uniquement à la fiction.
Le choix politique du solarpunk
A l'ère de l'anthropocène, l'action politique contre le changement politique est souvent présenté comme un choix d'ordre personnel (qui est souvent perçu comme inconfortable pour moi et les autres). Il est difficile de savoir ce qui, le cas échéant, constitue une ligne de conduite juste et équitable, ou qui fera une différence tangible. La philosophe féministe Chris Cuomo souligne un fait crucial, que "la consommation des ménages et le transport personnel représentent une part importante mais minoritaire des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde... les réductions dans la sphère personnelle... ... sont insuffisantes pour une atténuation adéquate."
Elle rappelle aux lecteurs que l'utilisation des combustibles fossiles est "tissée" dans le tissu de la vie quotidienne des sociétés du monde entier et qu'il peut être difficile et épuisant d'apporter des changements. Même si les consommateurs individuels ont besoin de l'argent et du temps nécessaires pour rechercher et acheter systématiquement des produits locaux, biologiques et éthiques, installer des systèmes d'énergie renouvelable, conduire un véhicule électrique, et tout le reste, cela ne contribuerait pas à réduire les émissions de manière significative.
Pourtant, la plupart des organisations environnementales ont exhorté les personnes concernées à changer leurs habitudes au niveau personnel de manière à modifier leur propre sphère privée - à changer les ampoules des bâtiments, à acheter des véhicules électriques, à faire des achats locaux et à consommer de manière éthique.
Il existe des organisations telles que Greenpeace et Extinction Rebellion qui donnent aux individus les moyens de combattre les forces du changement climatique et du capitalisme néolibéral par des actions directes. Pourtant, les individus qui participent à ces actions collectives sont socialement et politiquement condamnés, car ils représentent une menace dangereuse contre les économies locale et mondiale. Ils sont alors pris dans un dilemme : agir contre le changement climatique, mais ne pas être actif au point de perturber le statu quo.
Commencer par changer ses comportements finira donc par changer la société, d'une manière ou d'une autre. C'est le récit caractéristique de l'anthropocène : le politique est devenu égocentré et, plus que cela, un impératif personnel. De fait, nous sommes ici face à une impasse psychologique importante qui demande une exploration alternative de ce storytelling pour mieux s'armer.
Il s'agit alors de démêler ce récit de ces influences réductrices, afin de créer l'opportunité de considérer les récits alternatifs réalisables d'un futur juste et durable, tels que le solarpunk les présentent. Le solarpunk est un genre relativement récent dans la science-fiction qui imagine un futur proche où les individus sont habilités à agir non seulement contre la crise climatique, mais aussi contre les forces oppressives du colonialisme, du capitalisme néolibéral, de l'hétéro-patriarcat et de la corruption politique et socio-économique. Comme dit précédemment, le solarpunk est un mouvement artistique, militant, philosophique, populaire et spéculatif, qui offre une nouvelle narration du futur, combinant réalisme et espoir.
Les mondes fictionnels, selon le genre
Les mondes dans le genre présentent des paysages urbains propres avec des espaces verts intégrés. Plus Westworld que Blade Runner. Si Hong Kong est la maison visuelle du cyberpunk, alors la maison du solarpunk est Singapour.
Ainsi l'architecte italien Stefano Boeri construit des tours où la forêt est omniprésente. Sa première tour forestière a été construite en 2014 à Milan. Il poursuit son oeuvre à Eindhoven et à Nanjing. Bien entendu, le solarpunk ne se résume pas à ça.
Le mouvement a tout d'abord commencé en littérature. Des auteurices célèbres de science-fiction ont donné ses lettres de noblesse à ce genre littéraire. Au menu, vous pourrez lire Les dépossédés d'Ursula K. Le Guinn, toute l'oeuvre de Kim Stanley Robinson dont le dernier roman traduit en français 2312 est une véritable oeuvre solarpunk ainsi que les romans d'Octavia Butler. Plus proche de nous, la trilogie de Beckie Chambers Les Voyageurs est un hymne au décolonialisme et à l'inclusivité sur fond de voyage stellaire. L'autrice a reçu le prix Hugo de la meilleure série littéraire l'année dernière.
Le cinéma n'est pas en reste. Toute l'oeuvre de Miyazaki est d'obédience solarpunk et que dire de la série solarpunk par excellence qu'est la franchise Star Trek ?