#25 — 🏡 Mondo domotique
#25
Dans ce numéro :
→ Le marché de la domotique en bref
→ Cybersécurité et éthique
→ En bref
«Revenu dans la cuisine, il fouilla ses poches pour trouver une pièce de dix cents et s’en servit pour mettre la cafetière en marche.
Tout en reniflant l’odeur pour lui insolite, il observa à nouveau sa montre et vit qu’un quart d’heure avait passé ; il se dirigea d’un pas décidé vers la porte du conapt et appuya sur le bouton commandant la libération du verrou.
La porte refusa de s’ouvrir et déclara :
— Cinq cents, s’il vous plaît.
À nouveau il chercha dans ses poches. Plus de pièces ; plus rien.
— Je vous paierai demain, dit-il à la porte. (Il essaya une fois de plus d’actionner le verrou, mais celui-ci demeura fermé.) Les pièces que je vous donne, continua-t-il, constituent un pourboire ; je ne suis pas obligé de vous payer.
— Je ne suis pas de cet avis, dit la porte. Regardez dans le contrat que vous avez signé en emménageant dans ce conapt.
Il trouva le contrat dans le tiroir de son bureau ; depuis que le document avait été établi, il avait eu besoin maintes et maintes fois de s’y référer. La porte avait raison ; le paiement pour son ouverture et sa fermeture faisait partie des charges[.
— Vous avez pu voir que je ne me trompais pas, dit la porte avec une certaine suffisance.
Joe Chip sortit un couteau en acier inoxydable du tiroir à côté de l’évier ; il s’en munit et entreprit systématiquement de démonter le verrou de sa porte insatiable.
— Je vous poursuivrai en justice, dit la porte tandis que tombait la première vis.
— Je n’ai jamais été poursuivi en justice par une porte. Mais je ne pense pas que j’en mourrai. »
A chaque fois que je me suis prêtée au jeu de la pire expérience utilisateur, j'évoque toujours cet extrait du roman de Philip K. Dick, Ubik. Parue en 1969, cette oeuvre satirique dépeint une société qui a fait allégeance au capitalisme. Ce dernier est mis systématiquement en scène par le biais d’actes quotidiens : l'argent domine une société où tout est payant. Dans un appartement (un « conapt »), le contrat de location prévoit qu’il faut payer chaque fois qu’on veut ouvrir une porte, le réfrigérateur, faire du café ou prendre une douche. Avec son instinct habituel, l'écrivain américain décrivait un futur possible des déviances du capitalisme. Une des variables décrites dans le roman étaient l'avènement de la maison connectée ou plutôt du cauchemar domotique que cela peut devenir lorsqu'on n'a pas un sou en poche.
50 ans plus tard, la maison connectée est devenue une réalité et un marché juteux pour de nombreux acteurs et en particulier, les GAFA qui ne sont pas en reste sur le sujet, notamment Google et Amazon. La domotique s'est introduite dans nos intérieurs de manière subtile : par des objets secondaires (les ampoules connectées, par exemple) puis par la hifi/tv (enceintes connectées, TV connectée) puis ce fut au tour de la surveillance connectée et bien sûr les assistants vocaux. Je ne parle même pas de l'énergie connectée avec le fameux compteur Linky. A l'heure de l'anthropocène, cet envahissement des IoT dans nos maisons pose bien sûr des problèmes environnementaux mais aussi éthiques.
Bonne lecture !
-- Dominique
La maison du futur imaginée par Ecoflolife
Le marché de la domotique en bref
(source SoNew)
Cybersécurité et éthique
Compte tenu de la croissance exponentielle de ce marché et de la complexification technique des objets connectés, voire de leur interopérabilité, il est aujourd'hui impossible d'ignorer l'importance de la cybersécurité.
Dans une étude publiée en 2019, "Cybersecurity Risks in Complex IoT Environments: Threats to Smart Homes, Buildings and Other Structures", le cabinet de conseil japonais Trend Micro constatait que l'année 2020 serait une année propice pour les hackers de pirater les IoT. Beaucoup d'entre eux n'hésiteront pas le machine learning et l'intelligence artificielle pour commettre des actes d'espionnage et d'extorsion. Les attaques par déni de sécurité (DoS), les demandes de rançon, le vol d'identité ou la violation de données seront encore d'actualité.
Rappelez-vous en octobre 2016, une attaque massive d'objets connectés (caméras ou netcam) avait paralysé les sites de Twitter, Netflix, Amazon, New York Times et CNN. La technique utilisée était le DDOS (distributed denial of service attack ), une attaque de déni de service distribuée sur le serveur Dyn ( gestionnaire de zone DNS) qui redirige le trafic entre une requête d'un internaute et le serveur du site web recherché. Ne faisant pas la distinction entre une requête d'un être humain et d'un botnet, l'internaute est incapable d'accéder au site car il est noyé parmi des milliards de requêtes. Aujourd'hui une telle attaque serait-elle encore possible ? Oui, disent les experts et ce pour trois raisons principales :
La première est l'ignorance des consommateurs. L'information pour bien configurer la sécurité desdits objets est soit indisponible, soit trop complexe à comprendre pour des néophytes.
La complexité des dispositifs est telle qu'il existe d'inévitables failles dans les programmes que tout hacker sait repérer et exploiter. Ajoutons à cela que les mises à jour de sécurité sont aléatoires et interviennent lorsque le mal est fait, une maison connectée reste un terrain de jeu pour tous les hackers.
L'étude de Trend Micro révèle notamment que "les plateformes d’automatisation IoT des maisons intelligentes offrent aux cybercriminels de nouvelles brèches, aussi bien pour infiltrer les espaces physiques que les systèmes d’Informations de ces dernières. De même, il existe de nombreux risques pour les entreprises installées dans des bâtiments intelligents (espionnage des utilisateurs, ouverture des portes et vol de données, etc.) que pour les collaborateurs pratiquant le télétravail dans un environnement personnel connecté." Au temps de la crise sanitaire, on appréciera ou pas ce constat.
Les chercheurs de l'entreprise japonaise mettent aussi en garde contre toute une série de nouvelles menaces potentielles comme :
le clonage de la voix d’un utilisateur pour commander des actions via un assistant vocal,
l’ajout d’un objet fantôme à un réseau pour maintenir des portes ouvertes en trompant les dispositifs de détection de présence,
l’insertion d’erreurs logiques pour désactiver les alarmes intelligentes.
Ces problèmes de sécurité ont alerté la CNIL qui, à maintes reprises, a alerté des dangers potentiels en prodiguant avis et conseils. Elle souligne aussi que ces technologies posent aussi un, ou des, problèmes éthiques. Par leur prolifération, leur impact sur la vie privée et les libertés individuelles suscitent quelques inquiétudes. En effet, en envahissant l'espace intime, le foyer, ces objets seraient finalement «une monétisation de l’intime». Si l’interrogation est valide, les mêmes enjeux se manifestent avec l’utilisation et l’acquisition d’autres objets du quotidien — mais c’est peut-être la première fois avec la domotique que les interrogations sont si grandes.
Les enjeux commerciaux qui se cachent derrière cette marchandisation de nos espaces privés sont énormes. Une augmentation accrue de l'automatisation de nos foyers par une unification des systèmes intelligents — Apple, Amazon, Google et Zigbee se sont alliés pour établir un protocole de domotique standard – influencera d'une manière ou d'une autre les habitudes des consommateurs, les décourageant d'en sortir. Ensuite se pose la loyauté des plateformes. En effet, si votre frigo connecté établit que vous allez manquer d'oeufs , sur quel site le fera-t-il ? Quelle marque choisira-t-il ? A quel prix ? Sera-t-il guidé par vos valeurs et vos habitudes alimentaires ou par les avis sur Internet ou par la publicité qu'aura placé telle ou telle marque sur la plateforme ?
Ces questionnements se déclinent avec tous les objets connectés. Un autre exemple ? A partir de janvier 2021, un indice de réparabilité sera obligatoire sur tous les appareils électriques et électroniques. Mais dans le cas d'une machine à laver connectée, jusqu'où la marque poussera-t-elle cette logique ? Vous incitera-t-elle à changer la pièce défectueuse ou bien à acheter une nouvelle machine ? Appellera-t-elle un réparateur ou son service d'après-vente ? Quel degré de liberté aurez-vous à la réparer ? Et si la panne est due à une mise à jour défectueuse, quelle est la marge de manoeuvre du propriétaire ?
En bref
→ Le site de campagne de Trump a été piraté
→ Le Japon annonce qu'il atteindra la neutralité carbone en 2050
→ Le cyberfeminisme index